Certifive
Contact

Quand la mer s’émancipe des hommes : l’odyssée silencieuse des navires sans équipage

en
Mohamed CISSOUMAAïcha Fall
Par Mohamed CISSOUMAAvec Aïcha Fall
15 octobre 2025
Sponsorisé parIFEMIFEM
Photo parorbtal media @orbtalmediasurUnsplash

Imaginez-vous dans un navire sans équipage : Navires autonomes / Smartships

En filigrane

  • Les navires autonomes symbolisent une nouvelle ère maritime, où la technologie redéfinit les frontières du possible et questionne la place de l’humain en mer
  • L’absence d’équipage pose des défis juridiques et éthiques majeurs, notamment sur la responsabilité en cas d’accident ou de pollution
  • L’automatisation accrue risque de bouleverser le marché du travail maritime, déjà fragilisé par la numérisation et la délocalisation des emplois
  • La sécurité des données et la cybersécurité deviennent des priorités absolues, car un navire sans capitaine reste vulnérable face aux attaques informatiques
  • Derrière la prouesse technologique, c’est la souveraineté maritime qui se joue : qui contrôle, surveille et protège ces flottes invisibles ?

On pourrait croire à une fable de science-fiction, et pourtant, ce monde est déjà là.

Des coques blanches glissent sur les flots sans capitaine, pilotées par des algorithmes capables d’éviter les tempêtes, d’ajuster leurs trajectoires et d’optimiser chaque mouvement. Ces bâtiments nouvelle génération, appelés navires sans équipage ou smartships, incarnent une prouesse technologique inédite.

Conçus pour naviguer sans intervention humaine directe, ils s’appuient sur un réseau de capteurs, de caméras, de logiciels intelligents et de systèmes de communication avancés qui leur permettent de percevoir leur environnement, d’analyser les données marines en temps réel et de prendre des décisions autonomes avec une précision millimétrée.

Loin des ports et des phares, la mer devient un territoire numérique où les données remplacent les cartes et où les satellites veillent à la place des marins. Ces navires dits autonomes promettent efficacité, sécurité et réduction des coûts, mais soulèvent aussi des interrogations vertigineuses sur la responsabilité, la sécurité et l’emploi maritime.

Que devient le rôle de l’humain lorsque la machine prend la barre ?

La question n’est pas seulement technologique, elle est philosophique, sociale et profondément politique.

L’avènement de ces navires intelligents marque un tournant dans l’histoire maritime. En combinant intelligence artificielle, automatisation et connectivité globale, ils redéfinissent les contours de la navigation contemporaine.

L’industrie y voit une opportunité de réduire les coûts d’exploitation, d’améliorer la sécurité des opérations et de limiter les émissions polluantes.

Pourtant, cette transformation ne se déploie pas sans heurts. Elle exige une réécriture complète des codes maritimes et une adaptation des mentalités face à l’idée d’un océan gouverné par des algorithmes.

Les lois du large : la réglementation cherche son cap

Un des premiers écueils réside dans la réglementation.

Le droit maritime international repose encore sur la présence d’un capitaine à bord et sur la responsabilité directe de l’équipage. Or, comment définir la faute ou la responsabilité lorsqu’une décision est prise par un système autonome ?

Faut-il considérer le concepteur du logiciel, l’armateur ou l’opérateur à terre ?

La mer, espace sans frontières, devient aussi un espace sans précédent juridique.

Les tempêtes invisibles : la sécurité à l’épreuve du numérique

A l’instar de l’impératif réglementaire, les navires autonomes doivent être équipés de dispositifs de protection sophistiqués pour prévenir les collisions, éviter les dangers naturels et contrer les menaces cybernétiques.

Le piratage informatique représente une nouvelle forme de corsairisme où l’ennemi ne brandit plus de sabre, mais un code.

À cela s’ajoutent les risques classiques de l’incendie, de la piraterie physique et des opérations de recherche et de sauvetage en mer. La sécurité, qu’elle soit numérique ou humaine, demeure la clé de voûte de cette révolution maritime.

Les hommes de la mer face à la machine : réinventer les métiers maritimes

La montée en puissance des navires autonomes bouleverse le rôle des marins. Moins nombreux à bord, ils devront acquérir de nouvelles compétences centrées sur la maintenance des systèmes et la supervision des opérations à distance.

Le savoir-faire maritime se transforme, passant de la maîtrise du vent et des voiles à celle des algorithmes et des interfaces. La mer reste un espace d’apprentissage, mais les outils du marin du XXIᵉ siècle ne seront plus les mêmes.

Le code et la boussole : quand l’intelligence artificielle prend la barre

Malgré ces défis, l'industrie maritime est en train de prendre le virage vers les navires autonomes. Des entreprises telles que Rolls-Royce, Kongsberg et Wärtsilä ont déjà lancé des projets de navires autonomes, et les grandes compagnies de transport maritime commencent à investir dans cette technologie. 

D’un autre côté certaines sociétés de classification ont établi des notations additionnelles pour les navires. Ces notations permettent d’identifier le degré d’autonomisation du navire pour un système bien précis. 

Par exemple chez Bureau Veritas, on définit le degré d’automatisation (table 1) comme étant le degré de décision qui a été transférée de l’homme au système. Ainsi on dira qu’un système est A0 lorsque l’humain prend toutes les décisions et contrôle toutes les fonctions du système,  et d’un autre côté un système est A4 lorsqu’il invoque des fonctions sans en informer l’homme, sauf en cas d’urgence. Le système n’attend pas de confirmation, l’homme n’est informé qu’en cas d’urgence. D’où le navire autonome. 

Les navires autonomes fonctionnent sur la base des systèmes smart.  Ces systèmes sont des solutions numériques conçues pour traiter les données des navires et favoriser une exploitation durable, efficace et sûre. 

Ces solutions numériques reposent sur deux éléments :

a) L'infrastructure de données qui permet de collecter les données, de les rendre accessibles à de multiples consommateurs et de maintenir le contrôle du trafic de données. 

b) Un logiciel conçu pour remplir une fonction smart optimisant l'utilisation des systèmes embarqués existants à l'aide d'algorithmes basés sur la physique, les données et des modèles hybrides.

Il est temps d’imaginer un futur où les navires sans équipage voguent en harmonie avec l’océan, où la technologie s’allie à la nature pour réduire les coûts et les risques.

Dans ce monde nouveau, les marins seront devenus les gardiens du numérique, les lois maritimes auront évolué, et la navigation autonome sera passée du rêve au quotidien.

Le navire sans équipage n’est plus un mythe d’ingénieurs, mais une réalité en construction, une promesse de progrès qui oblige à repenser notre rapport à la mer, à la technologie et à l’humain.

Sources :

Site Web L’unsine Nouvelle : https://www.usinenouvelle.com/editorial/rolls-royce-devoile-un-navire-de-patrouille-autonome.N587298

Site Web de Wärtsilä : https://www.wartsila.com/media/news/16-06-2020-wartsila-comes-onboard-the-mayflower-autonomous-ship-project-2728706

Site Web de Kongsberg : https://www.kongsberg.com/maritime/ship-types/autonomous-ships/

Rapport de l'Organisation maritime internationale (OMI) : https://www.imo.org/fr/MediaCentre/HotTopics/Pages/Autonomous-shipping.aspx

Étude universitaire sur les navires autonomes : https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S1876610217338008

BV NR675 - ADDITIONAL CLASS NOTATION SMART : NR675 Additional class notation SMART | Marine & Offshore (bureauveritas.com)

BV NI 641 - GUIDELINES FOR AUTONOMOUS SHIPPING : NI641 Guidelines for autonomous shipping | Marine & Offshore (bureauveritas.com)

BV NR 681 - UNMANNED SURFACE VESSELS (USV) : 681-NR_2022-07_3006.pdf (veristar.com)